La Dordogne des grands photographes
Voir aussi « La Dordogne dans l’œil de Robert Doisneau
Les photos en noir et blanc de Henri Cartier-Bresson, Jean Dieuzaide, Edouard Boubat et Raymond Depardon, prises pour la plupart dans les années cinquante et soixante, me transportent dans un autre temps, un temps que je n’ai pas vécu, mais que je reconnais immédiatement. Ces images capturent une essence intemporelle, une continuité des choses simples et essentielles de la vie rurale. Les paysannes vêtues de noir, sous la halle du marché, avec l’anse de leur panier à la saignée du coude et l’ail perçant ; le maréchal-ferrant en pleine opération, le bouilleur de cru près de la rivière ; les feuillardiers dans leur hutte, les paysans fauchant sous le soleil ; les bonnes sœurs à cornette aperçues dans une rue de Sarlat ; les attelages de bœufs et les chevaux à œillères dans les champs de tabac ; les premiers vacanciers au camping, les femmes en robes fleuries devant la statue du premier homme aux Eyzies, les lavandières sur les berges de l’Auvezère à Tourtoirac.
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Ils parlent du Périgord d’avant, du temps de leur enfance. Ce sont des souvenirs vivants, authentiques, et il faudrait en recueillir bien d’autres pour faire revivre ce Périgord d’hier et d’avant-hier, pour les jeunes générations et pour les touristes qui ne se représentent pas ce que c’était.
Régine Laprade-Poisson, écrivain après avoir été médecin, est une périgourdine issue d’une longue lignée familiale du Périgord. Avec beaucoup de sensibilité et de réalisme, elle raconte ici ses souvenirs, des anecdotes du « monde d’avant ». Ses récits sont empreints d’une tendresse profonde pour cette terre qui l’a vue naître et grandir, une terre où chaque pierre, chaque sentier, chaque visage raconte une histoire.
Olivier Charpenet, chef d’entreprise et créateur de LOU COCAL, a vécu diverses initiatives entrepreneuriales avant de se tourner vers ses racines. Ici, il parle du Périgord qu’il a connu enfant, dans une famille modeste mais visiblement heureuse. Ses yeux brillent en évoquant les rires des repas familiaux, les jeux dans les champs, l’authenticité des liens humains. Pour lui, ce temps révolu n’est pas une source de regrets mais un trésor de valeurs humaines, une simplicité et une chaleur qu’il tente de perpétuer dans sa vie d’aujourd’hui.
Michel Ozanne, un retraité très actif et passionné de spéléologie, connaît toutes les grottes du Périgord. Son club partage sa passion avec un club en Espagne qui vient ici tous les ans. Enfant, il a vécu dans un château du Périgord Noir, à une époque où ils n’étaient pas encore restaurés. Ses récits sont des voyages dans les profondeurs de la terre, mais aussi dans les souvenirs d’une vie passée dans les couloirs froids et mystérieux du château familial. Il se rappelle les jours d’hiver où le feu dans l’âtre était le seul refuge contre le froid mordant, les explorations enfantines des pièces oubliées, les histoires que les murs semblaient chuchoter.
Chaque témoignage est un fragment d’un temps révolu mais encore vivant dans les cœurs et les mémoires. Le Périgord de Régine, Olivier et Michel est un territoire d’émotions et de souvenirs, un lieu où le passé et le présent se rencontrent et se répondent. Ces récits sont des ponts jetés entre les générations, des invitations à comprendre et à ressentir la richesse d’un monde d’avant, un monde qui, malgré le passage du temps, continue de vibrer avec force et authenticité.
Ils évoquent un Périgord où la simplicité de la vie quotidienne était empreinte de beauté, où chaque geste, chaque rencontre, chaque instant portait en lui une charge émotionnelle intense. Ce Périgord d’antan, loin de disparaître, reste gravé dans les mémoires, un fil invisible mais indestructible qui unit le passé au présent, les anciens aux nouveaux venus, les souvenirs aux réalités d’aujourd’hui.
En écoutant leurs récits, on ressent la force tranquille de cette terre, la persistance des valeurs humaines, la profondeur des liens tissés par les générations. C’est un Périgord qui, à travers les voix de Régine, Olivier et Michel, nous rappelle que le passé est toujours présent, vivant dans chaque sourire, chaque regard, chaque pierre. Un Périgord qui tient.